Il m'a dit "Bouse de là!"

Salut les aminches, c'est Papa Hérisson. Et oui, Mylène m'a encore laissé le clavier, afin que je puisse vous distraire avec mes âneries. C'est donc avec un vif plaisir que je vais procéder derechef, et vous raconter une histoire assez terrible.
"–Et bien... bonjour Maryse!"
Et comme rien n'est tabou, aujourd'hui, nous allons causer de m... enfin de cac... hum... d'excréments. Oui, j'aime envoyer du rêve. Mais que cela vient-il faire sur le blog d'une naturopathe s'intéressant au bien-être et à l'écologie me direz-vous?

–Mais que cela vient-il faire sur le blog d'une naturopathe s'intéressant au bien-être et à l'écologie?

Je savais que vous alliez me le demander. Et je vous répondrais bien que la qualité de nos selles est un bon indice de notre santé intestinale, et par extension de notre santé tout court (ce qui n'est pas faux), mais en réalité, c'est bien d'écologie que nous allons parler.

–Ah ok, tu vas causer des "toilettes sèches" alors?

Ah bin non. Je pourrais hein, vu que j'en ai bricolé une dans mon chez moi, pour pallier à l'absence de toilettes à proximité de la chambre des gnomes, mais en fait non, on va causer de bouse. De bouse de vaches pour être précis. Et de biodiversité accessoirement.

Notre histoire commence donc au XVIIIième siècle, en Australie, pays réputé pour ses boomerangs,  ses kangourous, ses koalas, ses crocodiles et ses géraldines ("Sheilas" pour les australophones).
La belle, la brute et le croco.
En ces temps reculés, les colons australiens avaient un régime alimentaire un peu monotone : steack de koala, entrecôte de dingo, fromage au lait de kangourou, filet de crocodiles... Et à mon avis, ils commençaient à en avoir ras-le-bol. Faut dire que bouffer du koala, ça leur filait une haleine de suppo à l'eucalyptus. Le dingo... bon, objectivement, qui prendrait du plaisir à bouffer ça :
"–Yerh yerh!"
 Quant au lait de kangourou, il avait des effets secondaires inattendus...
"–Skippy! Viens boire ton lait de kangourou fiston"
Y avait bien le crocodile, mais :
  1. Des fois c'est le croco qui te bouffait
  2. C'est un peu filandreux (d'avis d'expert)
  3. C'était moins sympa à traire qu'une belle normande
La viande de bœuf leur manquait. Le lait de vache leur manquait. Les vaches leur manquaient.
♪ Oooooh Marguerite, si tu savais... tout le mal, que l'on meuuuuh fait... ♫

Aussi, ils décidèrent qu'il était plus que temps de se faire un barbec' avec une belle côte de bœuf et des entrecôtes, suivies d'un camembert à la boite, et d'un bon gâteau au yaourt en dessert. Dans ce but, ils importèrent donc des bovins du continent européen.

Oui, les australiens sont comme ça, ils adorent faire venir des petits animaux kikinous dans leur pays avant de se rendre compte que c'est une grosse connerie. Et là, évidemment, ça n'a pas loupé. Les vaches ont commencé à picoler et se comporter comme de vulgaires punks à chien en goguette collant des mawashi geri aux koalas jolis, et en taguant les poches des kangourous avec des slogans anarchistes tels que "On vaut meuh que ça" ont fait des bouses. Plein de bouses. Des tonnes et des tonnes de bouses. Un océan de bouses. Quoi de plus normal me direz-vous?

–Bin oui, quoi de plus normal?

Je le savais que vous alliez le dire. En soi, c'était prévisible : outre le faux-filet sauce poivre, le kiri® et le chocolat (que les marmottes emballent dans le papier alu, c'est bien connu), la principale production de la vache, c'est la bouse. D'ordinaire, c'est même plutôt bénéfique : la bouse de vache donnant un assez bon engrais. SAUF QUE... pour cela, il faut des bousiers et des scatophages. Pour "dégrader" la dite bouse en éléments qui vont fertiliser le sol. Sinon, la bouse, c'est un peu acide et agressif pour les sols. Or les bousiers australiens, ils n'étaient pas formés au traitement de la bouse de vache : leur spécialité c'était le crottin de kangourou, et ils n'avaient pas assez de DIF pour obtenir leur diplôme de bousier-bovin.

Résultat? Au début des années 1970, un bon million d'hectares de pâturages australiens avaient littéralement été stérilisés par les bouses de vaches non dégradées produites par les troupeaux australiens! La situation devenant critique, il fallu bien trouver un moyen de se débarrasser de ces encombrants excréments. Après divers tests peu concluants...
Scientifique australien conduisant une expérience scientifique.
... on dû se rendre à l'évidence : en violation des règlementations mises en place depuis des années (suite aux abus précédents : lapins, dromadaires, rats, chats, cinéastes américains, etc) pour empêcher l'introduction d'espèces invasives, les autorités du pays furent contraintes, en catastrophe, d'autoriser l'importation de nouvelles espèces animales pour résoudre le problème, et faire venir d'Europe des bousiers et des scatophages adaptés aux bouses des vaches. Notez tout de même que ça leur à pris 15 ans d'importations massives de ces petites bestioles d'Afrique et d'Europe pour se sortir de ce merdier (pardon, j'ai pas pu m'en empêcher).

Bin oui : ces p'tites bestioles qui se tortillent gaiement dans le caca, c'est peut-être pas très ragoûtant, mais leur rôle est essentiel pour l'équilibre naturel, équilibre que l'homme s'acharne à vouloir perturber. C'est un peu comme en naturopathie voyez-vous : plutôt que de s'acharner à vouloir zigouiller les vilains microbes à coup de médocs qui te dégomment aussi ton microbiote intestinal, le naturopathe essaie surtout de maintenir un équilibre favorable dans l'organisme pour que vos défenses immunitaires fassent leur boulot toutes seules sans effets secondaires.

–Bon ok, mais l'important maintenant c'est de l'avoir compris non?

Croyez-vous? Pourtant on a bien failli remettre le couvert il y a quelques années, ici même, chez nous, à cause d'un médicament vétérinaire antiparasitaire pour les troupeaux : l'ivermectine. Ce sympathique médoc, administré à des posologies bien trop importantes aux malheureux bovins de nos campagnes, se retrouvait dans les bouses et décimait les population de bousiers et de scatophages qui se jetaient dessus, augmentant substantiellement le temps nécessaire à dégrader les dites bouses. Ça ne vous rappelle rien? Bon depuis quelques années évidemment, l'utilisation de cet antiparasitaire a été sévèrement limitée. Enfin, jusqu'au prochain produit miracle...

Mais rassurez-vous, maintenant on sait ce qu'on fait en matière d'agriculture : l'équilibre naturel est préservé. Dans les champs, on met juste des fongicides qui détruisent les vilains champignons...
 
A écouter jusqu'au bout, même si c'est un peu long : le monsieur est passionnant.
 
... des pesticides qui anéantissent les insectes ravageurs et les insectes pollinisateurs... et tous les insectes en fait, y compris les sympathiques bousiers, et des herbicides pour détruire les mauvaises herbes mais qui sont sans aucun danger pour la santé humaine.
Sans danger on vous dit!
Hum. Bon, évidemment, il faut aussi des engrais pour pallier à l'appauvrissement incompréhensible des sols, diverses substances pour soigner les plantes (qui n'arrêtent pas de choper des maladies, c'est bizarre... certainement aucun lien avec les monocultures de variétés non diversifiées donc toutes sensibles aux mêmes maladies). Et puis bon, les troupeaux, faut aussi les soigner : antibiotiques à haute dose, vaccins (à cause de la promiscuité hein), hormones de croissance pour gagner du fric plus rapidement, etc... Mais sinon, l'équilibre naturel est respecté.

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Purée, on est pas dans la m...